Départs à la retraite à 60 ans : l’avenir des services publics hypothéqué

mardi 29 août 2023,par Jean-Bosco Nzosaba

Avec la mesure de départ à la retraite à 60 ans annoncée par le ministère de la Fonction publique en juin dernier, les syndicalistes du secteur de la Santé et de l’Enseignement annoncent des lendemains sombres au niveau de la prestation des services liés à ces domaines. Dans une note, le ministère de la Fonction admet que le chiffre des recrutements sera loin de combler le vide.

Des départs à la retraite précipités. Après la mesure de départ à la retraite à 60 ans pour tous les fonctionnaires de l’Etat, les syndicats ne décolèrent. Rappelons notamment qu’au niveau du secteur de l’enseignement, 2937 professeurs sont partis à la retraite. Au niveau du secteur de la Santé, ce sont 607 membres du personnel soignant qui ont dû prendre leur retraite à la fin du mois de juin dernier.

D’après les prévisions budgétaires pour l’année 2023-2024, ce sont respectivement 1000 enseignants dont le recrutement est prévu pour l’année scolaire 2023-2024 et 201 soignants au niveau du secteur de la santé. « Trop insuffisant. D’ailleurs, cela fait quelques années que ce chiffre de 1000 enseignants est prévu pour de nouveaux recrutements. Cela n’a rien à voir avec la volonté de combler le vide créé par ces départs à la retraite », glisse un syndicaliste.

Des recrutements largement insuffisants

Dans une note du 18 août relative aux recrutements dans le secteur de l’Enseignement, le ministère de la Fonction publique précise indique qu’en plus des quotas accordés par la loi budgétaire, les remplacements liés aux départs à la retraite à 60 ans seront pris en compte. « Malgré ces considérations, tous les besoins en enseignants ne peuvent pas être couverts. La répartition a tenu compte des priorités spécifiques pour chaque direction provinciale de l’Education et direction communale de l’Education ». Et de préciser que dans le souci de garantir la transparence et l’égalité des chances d’accès à l’emploi public, le recrutement sera effectué par voie de concours qui sera organisé dans toutes les directions communales de l’Education.

Au niveau de la présélection des candidats, le ministère fait savoir qu’il y aura le dépouillement des offres et saisie des données par la Commission communale de Recrutement, la présélection des candidats par la Commission communale de Recrutement selon les critères qu’elle aura déterminés et enfin l’affichage des résultats de la présélection aura lieu aux bureaux des DCE et des DPE.

Réactions

Célestin Nsavyimana : « Ce ne sont pas les départs à la retraite qui vont résorber le problème du chômage {{}} »

Pour le président de la Confédération des syndicats du Burundi (Cosybu), la mesure de départ à la retraite à 60 ans n’est pas une manière de créer de l’emploi. « Les emplois se créent par l’augmentation de la richesse nationale et la création de nouveaux services. Ce ne sont pas les départs à la retraite qui vont résorber le problème du chômage qui est endémique, notamment celui des jeunes »
Le dirigeant syndical juge que cette mesure va aggraver la qualité de l’enseignement. « Les enseignants qui sont partis à la retraite étaient compétents et expérimentés. Et voilà par exemple qu’un enseignant qui a 35 ans de métier sera remplacé par une nouvelle recrue ! Ailleurs, les fonctionnaires qui partent à la retraite sont remplacés par de plus jeunes qu’eux mais qui sont déjà dans le métier »
Et d’enfoncer le clou. « Près de 3000 enseignants sont partis à la retraite tandis que les recrutements prévus sont loin de combler ce vide. Avec des effectifs d’enseignants insuffisants, on se retrouvera avec des classes à 120 élèves ! Cela ne fera que dégrader encore plus la qualité de l’enseignant qui était déjà mal en point ».
Ce n’est pas tout. Selon M. Nsavyimana, il n’y a pas que des problèmes au niveau du recrutement mais aussi au niveau de la qualité du travail des enseignants. « L’Organisation internationale du Travail prévoit que les travailleurs doivent œuvrer dans de bonnes conditions avec un salaire décent. Est-ce le cas des enseignants ou des autres fonctionnaires de l’Etat ? »
En conclusion, Célestin Nsavyimana estime que la mesure de départ à la retraite à 60 ans était précipitée. « C’est pourquoi les règles prévoient que les futurs retraités sont prévenus une année à l’avance. Cela donnait l’occasion à l’Etat d’anticiper toutes ces conséquences négatives »

Antoine Manuma : « Une totale transparence dans le processus de recrutement des nouveaux enseignants  »

Le président de la Fédération nationale des Syndicats du Secteur de l’Enseignement et de l’Education au Burundi (FNSEEB) soutient que les récents départs massifs d’enseignants à la retraire vont impacter négativement la qualité de l’enseignant. “Les élèves ont droit à une formation de qualité mais il n’y a plus d’espoir qu’ils puissent en bénéficier dorénavant”.

Le président de la FNSEEB demande une totale transparence dans le processus de recrutement des nouveaux enseignants. “Avec les nouveaux recrutements, la passation des examens pour les candidats aux postes d’enseignants doit se faire en toute clarté. Cette passation ne doit pas être uniquement du ressort des directeurs communaux et provinciaux de l’Enseignant”

Gaspard Kobako : « Nous allons au-devant d’une situation très difficile  »

L’ancien ministre de la Fonction publique se montre très critique sur l’adoption de la mesure de départ à la retraite à 60 ans. « On n’avait pas déjà suffisamment d’enseignants et de médecins ! Nous allons au-devant d’une situation très difficile dans ces secteurs ! »
Et de souligner. « Prenons le cas du secteur de la santé. Dans plusieurs structures sanitaires, il y a un nombre de patients admis pour bénéficier de soins. Avec la diminution du nombre de médecins, beaucoup de patients ne vont pas bénéficier de soins, ce qui va empirer leur état de santé ».

Gaspard Kobako ne se montre pas également optimiste quant aux recrutements prévus. « Les recrutements des nouveaux fonctionnaires se feront à la hâte et ça sera trop pour le Gouvernement d’agir quand les conséquences seront là ».

Marie Bukuru  : « Ce seront les patients qui vont payer les pots cassés »

Selon la vice-présidente de la Fédération nationale des Syndicats du Secteur de la Santé (FNSS), le départ à la retraite de 607 membres du personnel soignant va engendrer une situation de stress pour le personnel encore en activité. « Comme les recrutements prévus sont loin de combler le vide que créera ces départs, le volume de travail pour le personnel soignant encore en activité va augmenter considérablement. Les soignants seront surmenés et au final, ce seront les patients qui vont payer les pots cassés ».

La syndicaliste donne toutefois le bénéfice du doute au Gouvernement : « Si l’Etat a pris cette mesure, il est peut-être prêt à gérer la suite. ».

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